Michel Constantin, autre (grande) gueule

    (1924-2003)    

Michel Constantin et André Pousse se sont croisés sur les plateaux de plusieurs films, dans lesquels ils incarnaient tous deux les mêmes types de personnages : des durs plus ou moins bidons selon les rôles, dont les « gueules » sont devenues des emblèmes du cinéma policier français des années soixante et soixante-dix. Pourtant, comme dans le cas d’André Pousse,  ni ses accents façon fortifs’, ni son regard qui se fâche et qui flanche en loucedé sous des sourcils en bataille, n’avaient prédestiné Michel Constantin pour le cinéma.

Né Constantin Hokloff d’une mère polonaise et d’un père russe à Billancourt en 1924, MichelConstantin a tout jeune pris le chemin des usines Renault. Il y sera ouvrier jusqu’à la guerre. À la Libération, il monte une affaire de fabrication d’aiguilles à tricoter. À l’en croire " la plus grosse de France ". Il deviendra ensuite pour de bon journaliste à l’Équipe et mènera une carrière sportive fulgurante jusqu’aux sommets de l’équipe de France de volley-ball.

C’est là que le réalisateur Jacques Becker, dont le fils joue sur les mêmes parquets, remarque Michel Constantin. À la recherche de nouvelles bobines, le cinéaste lui propose un rôle dans son film le Trou qui paraît en 1960. Constantin s’y évade de la prison de la Santé mais patiente quelques années avant d’entamer l’incarnation d’une longue série de flics et de truands que vont lui confier, le plus souvent dans des seconds rôles, les cinéastes du polar.

Il est le sparring-partner idéal d’un autre dur à cuire, Lino Ventura, au côté duquel il excelle dans les Grandes Gueules de Robert Enrico en 1965. On retrouve l’année suivante les deux comédiens dans Ne nous fâchons pas de Georges Lautner puis dans le Deuxième souffle de Jean-Pierre Melville. Michel Constantin fait partie de la " famille " Lautner avec qui il tournera également Laisse aller c’est une valse (1971), Il était une fois un flic ou encore la Valise (1973). Le comédien tournera à plusieurs reprises avec José Giovanni rencontré avec la Loi du survivant, polar corse qui le place au premier plan. Plus tard ce sera Dernier Domicile connu (1970) et la Scoumoune (1972) avec Jean-Paul Belmondo.

La stature de Michel Constantin lui vaut quelques rôles de première importance. Outre celui de l’inspecteur Campana dans Il était une fois un flic, le comédien fait merveille dans Mise à sac d’Alain Cavalier en 1967 comme dans Un linceul n’a pas de poches que réalise Jean-Pierre Mocky en 1974. Mais déjà ce pan du cinéma français s’effrite et l’on verra pendant quelque temps Michel Constantin répéter ses emplois, parfois dans le comique ou la parodie, souvent jusqu’à la caricature avant qu’un second souffle ne le porte à nouveau grâce notamment à trois films de Jean-Claude Missiaen : Tir groupé (1982), la Baston (1985) et la Loi sauvage (1987). 

On le verra plus tard dans les Morfalous d’Henri Verneuil en 1984 et un autre Mocky : Ville à vendre en 1992, mais l’acteur s’est alors pour l’essentiel absenté du grand écran, rejoignant le petit pour des séries policières ou l’animation du jeu Anagram qui ne deviendra " culte " que lorsque Daniel Prévost y prendra la main.

Archétype du " dur au cour tendre " qu’il nuançait à l’envi, Michel Constantin, comme il l’a montré entre autres dans la Fiancée du pirate de Nelly Kaplan (1969), jouait d’un registre plus large que celui dans lequel il fut cantonné. Pour preuve le grand souvenir qu’il nous laisse.

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