Joseph Kessel |
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(1898-1979) |
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Bien que Kessel nait pas de rapport direct avec André Pousse, les romans de ce grand écrivain sont peuplés de Personnages que lauteur a rencontrés tout de long de sa vie de voyageur et dont les vies sont au moins aussi riches que celle dAndré. La lecture de « Tous nétaient pas des anges », « Bas fonds », ou « Nuits de Prince » permettra aux amateurs de se plonger dans la brume des nuits de Pigalle ou de Montmartre dans les années 20-30 et de croiser quelques aventuriers de la meilleure comme de la pire espèce. Découvrir ou redécouvrir luvre de Kessel est un plaisir dont il serait dommage de se priver. Le texte reproduit ci après vous y aidera. | |||||
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Rentré dans la vie civile, il va alors commencer son vrai métier celui de journaliste et de littéraire ; Tout dabord, il retourne au Journal des débats, puis au Matin (son reportage sur le trafic desclaves en Mer Rouge fait date dans lhistoire du journalisme). Il voyage aux Etats-Unis, fait des reportages sur la Chine, lIndochine, lInde et Ceylan ; De ses expérience, il tire la matière de ses premiers livres : Mémoires dun commissaire du peuple (1925) ; Les rois aveugles (1925) qui lui vaudront le grand prix du roman de lAcadémie française en 1927. Dès lors luvre se développe à un rythme accéléré, parallèlement à une vie dhomme daction. | |||||
Durant près de cinquante ans, il couvre tous les grands événements qui bouleversent lunivers (son uvre de journaliste sera publiée en 1969, sous le titre : Joseph Kessel, témoin parmi les hommes ). Il assiste à la révolution irlandaise contre lAngleterre. Il soutient les débuts du sionisme et recevra, lors de la création de lEtat dIsraël, le visa numéro un pour se rendre dans lEtat nouveau. Il suit les progrès de lAéropostale avec Mermoz et Saint-Exupéry. Il navigue sur la mer Rouge en compagnie dHenri de Monfreid, traquant avec lui les derniers négriers. Il rencontre Hitler, quil dépeint comme " un homme quelconque, triste et assez vulgaire ". | |||||
Kessel participe à la guerre dEspagne en 1936, en 1940 il est correspondant de guerre, mais après la débâcle, il entre dans la Résistance française, les Forces Françaises Libres, en 1941, puis, en 1942, passe clandestinement en Angleterre, où il devient capitaine descadrille et où il effectue de nouvelles missions spéciales en France. Il écrit Le chant des partisans (1943) avec son neveu Maurice Druon. | |||||
La guerre terminée, il reprend ses activités de journaliste et décrivain : Le tour du malheur (1950), qui parle des drogués ; Fortune carrée (1955), récit d'aventures qui se déroule dans différents pays de la mer Rouge dont le Yémen. Après limmense succès du Lion (1958), sorte de reportage romancé situé dans une réserve d'animaux sauvages où une jeune fillette porte un très grand amour pour un superbe lion du Kilimandjaro, il entre à lAcadémie française en 1962 où il revendiquera hautement son appartenance au judaïsme. Désormais, il se consacre à de vastes fresques historiques où passe le souffle de laventure façon Dumas père : Tous nétaient pas des anges (1963) évoque la dernière guerre ; Terres d'amour et de feu (1945 ou 1966), qui relate la naissance de lEtat dIsraël ; et Les cavaliers (1967) qui vient à la suite dun voyage effectué pour le compte de lOrganisation Mondiale de la Santé et qui lui permettent dapprocher des civilisations encore mal connues comme celle dont il écrit les murs, hautes en couleurs, roman consacré aux cavaliers Afghans des steppes de lAsie centrale quexalte une " liberté merveilleuse et sauvage " pour lengagement dun jeu : le bouzkachi. Luvre de Kessel sera souvent mise à lhonneur et couronnée, notamment en 1959 par le prix du Prince Rainier de Monaco. Il décède le 23/07/1979 à Avernes dans le Val-dOise. | |||||
Lentre-deux-guerres a connu une génération décrivains qui se voulaient en prise directe sur le monde contemporain. Ils se faisaient aventuriers, journalistes ou globe-trotters selon leurs possibilités. Ainsi Blaise Cendrars, Pierre Mac Orlan ou même André Malraux, parmi les écrivains français. Ainsi Ernest Hemingway, pour les Américains. "Jef " Kessel appartient de plein droit à ce courant. Il est, avant toute chose, un témoin privilégié de lactualité. Cest parce quil a vécu un certain nombre dévénements quil peut ensuite écrire des romans daventures nourris de la réalité. Parfois lécrivain refuse la fiction pour livrer un simple reportage : Mermoz (1938), à la fois biographie et recueil de souvenirs, Stavisky, lhomme que jai connu (1934), Au grand Socco, (1952), Les mains du miracle, Avec les alcooliques anonymes (1960), ou le bilan de sa propre vie : Des hommes (1972), Vladivostok, les temps sauvages (1975). Même lorsquil semble sadonner au romanesque pur, Kessel demeure journaliste. Il développe par ailleurs des thématiques liées davantage à l'individu et à sa psychologie, Nuits de princes (1928) est nourri de ses souvenirs de lémigration russe. Belle de jour (1929), que Luis Buñuel a porté à lécran, ressortit aussi au reportage : lauteur y dévoile la " part maudite " des années "folles" où la psychologie de la perversion occupe une certaine place. | |||||
Jusqu'à sa mort, Kessel ne cessera de faire cohabiter littérature et action ; attitude sans doute caractéristique de toute une génération d'écrivains qui, de Saint-Exupéry à Malraux, ont tenté de faire du roman " l'expression privilégiée " de l'aventure " vécue ". Tous les livres de Kessel reposent sur des expériences personnelles, évoquant la Russie daprès la révolution dOctobre (La steppe rouge, 1922 ; Le journal dune petite fille sous le bolchévisme, 1926 ; Nuits de princes, 1927), les combats aériens des premiers avions (Léquipage, 1923), les révoltes irlandaises (Mary de Cork, 1925), la naissance du cinéma américain (Hollywood, ville mirage, 1936), lévocation de la fraternité quengendrent la guerre ou les dangers, soit quun homme seul les ait courus (Mermoz, 1938) ou soit quil aient été partagés (Léquipage, Vent de sables, fortune carrée), les reportages rapportés des pays plus ou moins lointains (En Syrie, 1927 ; Dames de Californie, 1928), les luttes de la Résistance (Larmée des ombres, 1946), le Kenya (Le lion, 1958), lAfghanistan (Les cavaliers, 1967), ou le milieu des truands parisiens (Nuits de Montmartre, 1932 ; Bas-fonds, 1932). | |||||
Au milieu de ces " témoignages " émergent des personnages au statut incertain, qui, sans toujours correspondre au figures traditionnelles de laventurier, vivent en marge de la société " normale " ; d'où peut-être la prédilection de Kessel pour les peuples nomades, comme les Masaï du Kenya : " Personne au monde n'était aussi riche qu'eux, justement parce qu'ils ne possédaient rien et ne désiraient pas davantage " (le Lion). Mais l'errance n'est pas seulement une caractéristique ethnique ; c'est souvent un trait de psychologie qui fait des héros de Kessel des aventuriers : un même besoin d'espace unit les aviateurs de l'équipage et le cavalier afghan Ouroz. Les passions " anormales " accentuent encore cette marginalisation : Patricia, la petite fille du Lion, cesse d'être une enfant " comme les autres ", par l'amour excessif qu'elle voue à son fauve - substitut inconscient de son père. De même, Séverine, l'héroïne de Belle de jour (1928), qui mène la trop tranquille et bourgeoise existence de femme de médecin, éprouve le désir animal de se prostituer : " Déjà il y avait communication entre le monde ordonné où elle avait toujours vécu et celui qui s'était ouvert à elle sous la poussée d'un instinct dont elle hésitait à mesurer le pouvoir ". Vivre dans l'insécurité et le mystère, c'est éviter la redoutable stabilité du quotidien ; les personnages de Kessel communient avec le monde par le mouvement de désirs et d'instincts que l'auteur juge éternels. Continuer d'être " le premier, le seul à courir sans autre but que sa course" définit la philosophie d'Ouroz, dans, les Cavaliers, comme celle de Kessel ; la démesure devient un mode de vie qui permet de transcender les règles formelles et sclérosantes de toute société constituée. | |||||
Le choc inévitable entre l'individu solitaire, livré à ses passions, et les structures sociales est souvent exprimé par une écriture très mélodramatique ; Kessel, qui allie dans ses descriptions le lyrisme au style lapidaire du reportage, recourt aussi à l'analyse psychologique traditionnelle pour évoquer la dangereuse grandeur de ses personnages ; il peint alors des amitiés " viriles "confrontées à l'amour Hétérosexuel exclusif (Le coup de grâce, 1931 ; Léquipage), ou des conflits entre la raison familiale et les excès du désir (le Lion, Belle de jour). Kessel évitant les nuances, entend faire saisir au lecteur les lignes de force conflictuelles qui opposent les personnages. Parfois, au-delà des stéréotypes, de telles scènes transforment les héros en figures mythiques : dans Le coup de grâce, Hippolyte, comme son nom d'amazone le signale, incarne tout à la fois l'ambiguïté sexuelle, la vie dangereuse, l'errance loin de la cité des hommes. Tous les reportages que paraissent être les romans de Kessel constituent, en fait, les fragments complémentaires d'une épopée humaniste ; à travers la complexité des situations ou des événements, Kessel confronte l'être humain à l'espace et au temps, cherche à préciser sa place dans l'ordre du monde. Par ailleurs, l'écrivain s'intéresse peu à l'histoire et à l'évolution des sociétés, dans la mesure où il ne pense pas que celles-ci puissent modifier un comportement humain fondamentalement instinctif ; duvre en uvre, il souligne la part essentielle occupée par le mystère dans la conscience de l'homme. " Le héros national, c'est le clandestin, c'est l'homme dans l'illégalité ", écrit-il dans larmée des ombres : ce n'est pas là une simple remarque de reporter ; cet aphorisme symbolise, en fait, son idéal de " lHomme " : un être solitaire, recherchant la liberté et le dépassement de soi dans l'action, la guerre, le voyage ou la fraternité ; par là, luvre de Kessel prolonge sans doute en plein XXè siècle, les mythes romantiques du héros. | |||||