Années 40: poursuites sur les Falaises de la rue Nélaton
               
C’est ainsi que débute une belle carrière, André commence par s’entraîner sur route bien sûr, mais c’est sur la piste qu’il fera parler de lui, puisqu’ après quelques années dans un club amateur, il passe professionnel et accède au saint des saints.

Qui se souvient aujourd’hui du Vélodrome d’Hiver de Paris, le fameux Vel d’hiv et de ses courses de 6 jours ? Pour rafraîchir la mémoire des plus anciens et pour éduquer les autres, rien ne remplace la description qu’en fait André lui-même:

« Le Vel d’Hiv avait été construit dans le quartier Grenelle (…) dans un vieux bâtiment de l’Exposition universelle de 1889(..), c’est là que se déroulaient les « 6 jours » de Paris, qui sont des courses à l’américaine (…) inventées par les Américains, d’où leur nom, vers la fin du 19è siècle. C’était très populaire là bas. Le coureur était seul, sans équipier, et il devait pédaler six jours et six nuits de suite. Cela finissait souvent à l’hôpital. Pour stopper l’hécatombe, on a créé les équipes de 2 coureurs se relayant à volonté. C’est devenu plus humain.

L’ambiance des 6 jours au Vel d’Hiv, c’était quelque chose. Du folklore populaire à l’état pur, surtout le samedi soir. Sous la lumière des lampes à arc, les sprints, les chasses se succédaient au son de l’accordéon qui sortait des hauts parleurs, tandis que la foule hurlait dans les tribunes pleines à craquer. Près de 20 000 personnes venaient avec des saucissons, des camemberts et du gros rouge…Des couples emmenaient même les mômes et leurs pots de chambre.(…)

En plus des coureurs qui tournaient sans relâche sur la piste aux virage tellement relevés qu’on les avait surnommés « les Falaises », il y avait un second spectacle qui changeait tous les jours, ça se passait dans les loges de pelouse, au milieu de la piste, où était installé un restaurant de luxe. Le Tout-Paris venait y souper en smoking et en robe du soir. On pouvait aussi y voir les artistes à la mode,(…) et c’est là qu’avait lieu l’élection de Miss 6 jours. 

A tout ce monde parisien, on peut ajouter le gratin de la voyoutocratie locale : les macs, leurs gagneuses et les malfrats de tout poil, ce qui faisait dire à certains qu’il y avait de quoi remplir quelques voitures cellulaires et que si on avait collé à chacun 6 mois de cabane et 5 ans d’interdiction de séjour, personne n’aurait eu l’idée de faire appel. »
C’est là qu’André passe ses 20 ans, même si la guerre constituera une parenthèse de taille dans sa carrière. Il est mobilisé comme tout la monde pour aller faire la « drôle de guerre », avant de subir l’exode puis de revenir à Paris en 1941. Il reprend le vélo et retourne s’entraîner au Vel d’hiv qui est resté ouvert.

André Pousse au départ d’une course au Vel d’Hiv

Il connaîtra ses meilleurs moments sur la piste entre 1942 et 1949 avec ses différents équipiers : Victor Delvoye / Amédée Fournier / Daniel Dousset / Alvaro Giorgietti. Il affronte les coureurs Flamands, assure le spectacle, régale le public, gagne le respect du Milieu et fait rêver les gamins qui se bousculent pour tenir les vélos des champions avant le départ. Un de ses jeunes admirateurs de l’époque aura son heure de gloire quelques années plus tard, un certain Alain Delon.

L’année 1948 est marquée par un voyage aux USA comme on peut difficilement les imaginer aujourd’hui. Après l’arrivée grandiose dans le port de New York sur le De-Grass, un 4 étoiles flottant, André est immergé dans le sport/spectacle américain, il multiplie les « 6 jours » et les rencontres. C’est lors de ce séjour qu’il sympathise avec Marcel Cerdan et qu’il fait connaissance avec sa célèbre partenaire à la ville : Edith Piaf

La chance ou la malchance frappent parfois là où on les attend le moins : quelques mois plus tard, il avait prévu de faire un dernier trajet en avion avec son ami Marcel Cerdan, avant de changer d’avis et si ce voyage a scellé le destin tragique du boxeur, il a été pour le pistard un tournant vers une nouvelle carrière

Marcel Cerdan devient champion du monde en battant Tony Zale aux USA en 1949

André reste en effet un an aux USA, croisant entre 2 courses quelques mafieux notoires, avant de revenir courir en 1949 ses derniers 6 jours de Paris et de mettre un terme à une brillante carrière. Excellent sprinteur, il affiche un beau palmarès et est toujours détenteur du record du tour du Vel d’Hiv, ce qui inspira à Jean Gabin une réplique inimitable : « T’as bien fait de faire détruire le Vel d’Hiv Dédé, comme ça t’es sûr qu’on te piquera pas ton record du Tour »....André Pousse reste avant tout un Pistard de grand talent.

Vel d’Hiv (1948), André propulse son équipier

Vel d’Hiv (1949), André Pousse, à gauche

Vel d’Hiv: les virages

Vel d’Hiv: les tribunes populaires